Un titre provocateur pour un bilan qui pourtant coule de source : on ne peut pas attendre d’une démocratie qu’elle sauve un pays... Là où certains parlent encore de la fin de l’histoire, il faut développer les arguments qui montrent que la démocratie est la négation de la politique. Il est difficile d’illustrer en image la démocratie mais je pense que le zombie s’y prête assez bien : un système qui ne peut que continuer à avancer en se dévorant lui-même. Comme le dit Nietzsche, dans la vie il n’y a que déclin et apogée : un système qui ne veut que stagner, comme la démocratie, ne peut, au final, que dégénérer et vider les forces vives de son capital pour tenter de survivre encore un peu
Le pouvoir est la base du fait politique
J’ai toujours trouvé ca assez étrange que le grec ancien possède 2 mots pour exprimer l’idée de pouvoir et puissance : δύναμις (dynamis) et Κράτος (kratos). On voit directement la filiation avec notre terme de dynamisme et la puissance, ainsi que le suffixe -cratie pour le second terme. On voit donc le rapport direct entre le mouvement et la puissance du politique. Les bases de la démocratie sont l’affrontement partisan et l’alternance qui en découlent. Par définition, quand le peuple qui vote n’est pas satisfait de la situation actuelle d’un point de vue individuel ou collectif, il vote pour l’alternance. Il n’y a qu’à observer la scène politique de ces dernières années pour constater que le camp opposé n’a comme objectif que de défaire ce que le pouvoir en place a construit. Il n’est pas possible pour le pouvoir démocratiquement élu de reconnaître une erreur, ou de changer d’opinion sur un sujet par exemple : cela sera synonyme de perte de pouvoir aux prochaines élections. Dans la structure même du pouvoir la déclaration est plus importante que l’action et le résultat tangible; BAP en a parlé dans son dernier podcast sur Lee Kuan Yew : un pouvoir qui se remet en questions et qui veut être pragmatique sur un grand nombre de question ne peut qu’être tyrannique. C’est là le grand danger du système démocratique : on ne peut pas le remettre en question car si un pouvoir politique échoue, le système partisan permettra de mettre la faute sur le camp au pouvoir pour flatter le camp d’en face et personne n’est autorisée ou ne pense même à remettre en question le système d’exercice du pouvoir. C’est littéralement un jeu truqué : face tu perds, pile il gagne
.Le système démocratique se base sur un principe simple pour fonctionner : la déresponsabilisation individuelle et la bureaucratie généralisée.
Le règne de la masse
Il n’y a qu’à lire une page de la période tardive de Nietzsche pour comprendre en quoi la démocratie est pourrie à la base : règne du plus grand nombre, de la plèbe, du sens commun du troupeau qui ne pense pas. Zarathoustra ne peut supporter la vue de la foule et sa réaction face à un constat terrible : il se retire pour respirer enfin un air pur et élevé. La démocratie repose sur un principe simple : la majorité a raison, toujours. C’est en lui-même un principe de gauche : la moyenne ne peut qu’avoir raison, elle rend égale ce qui ne l’est pas et quand la nature élève bien trop un élément c’est un devoir de la société que de le rabaisser au même niveau que les autres. Le fait de devoir contenter la majorité pour garder le pouvoir ne peut que créer un système faussé où la déclaration est plus importante que l’action. Que doit-on faire quand la survie d’un Etat dépend d’une décision que l’homme moyen ne peut pas accepter ? Que faire quand la puissance d’un pays repose sur l’acceptation d’une souffrance nécessaire à sa croissance ?
Eh bien justement, il ne se passe rien. La démocratie est un Titanic éternel qui coule doucement mais ne peut qu’aller de plus en plus près des abîmes. J’ai bien conscience de ne pas finir ce petit article sur une note positive, mais je pense que le bilan froid de notre situation est une étape préliminaire à la guérison. Même si je pense personnellement qu’il est bon de voter compte tenu de notre paysage politique actuel, je vous invite à ne surtout pas vous faire d’illusion : sans un changement drastique de notre vision de l’exercice du pouvoir, nous ne pourrons pas arrêter le titanic de couler. Le choix d’un bulletin de vote n’est que le choix de la vitesse à laquelle nous allons rejoindre les abysses.




